Voyage au bout de mon doute
Je viens de vivre l'expérience interactive la plus étrange que je connaisse. Étrange et perturbante. J'hésite à peine à donner mon avis brut de brut à ce sujet, tellement j'ai peur de me tromper, et de réaliser demain matin que je m'égare, que mon avis est tout à fait différent après une bonne nuit de sommeil. Oh et puis non. J'y vais.
J'adore Internet. Je suis une passionnée de photo, et je m'y colle dès que je peux, dès que je le sens surtout. J'aime l'image. J'aime aussi les histoires, et j'avoue avoir passé quelques heures sur des jeux vidéo scenarisés, Syberia particulièrement, une merveille. J'aime aussi la Chine, je m'intéresse à ce qui s'y passe, je lis les actus ... enfin bref j'ai le profil parfait de l'internaute pouvant être emmené au bout de ce Voyage au bout du charbon. Format interactif, utilisant le son, la vidéo, la photo, ce "webdocumentaire" est un multi-media qui vous fait "voyager" au coeur de la mine, dans la peau d'un journaliste. Diffusé sur le site du Monde qui titre dans une interview des auteurs, qu'il s'agit d'un "webdocumentaire au coeur de la réalité", ce film que l'on "visite" par la force des choses sur le mode du jeu vidéo, me laisse ... sceptique.
Je m'explique. Je trouve ce format formidable. J'adhère totalement, et il me plonge dans un océan de rêveries sans fin ... mon dieu mais c'est bien sûr ! Toutes les histoires que j'aimerais raconter de cette façon ! Moi qui rêve de raconter des choses, en photos, en vidéo, avec du son, ... ici c'est tout ça à la fois, et en plus le "lecteur", le voy(ag)eur, participe. C'est tellement drôle ! Tout au long de votre navigation vous cliquez sur des liens selon l'orientation que vous souhaitez donner à votre histoire. Car c'est "votre" histoire, c'est vous le héros. (Mais si, par la force des choses. Et c'est ce que les auteurs semblent avoir oublié)
Le livre dont vous êtes le héros. Vous avez lu ces livres étant ados ?
Oui mais ici, l'histoire, c'est celle des mineurs chinois qui tous les jours descendent dans des trous à des centaines de mètres sous terre, et n'ont aucune garantie de remonter un jour à la surface pour revoir la tronche de leur patron véreux qui les paiera ... ou pas.
Enfin, je ne sais pas.
Peut-être je suis rétrograde sur ce coup-là. Peut-être j'ai loupé un wagonnet. Peut-être je ne devrais pas faire d'humour sur ce sujet. Peut-être ils ont le droit de faire ça, un webdocumentaire avec une "approche ludique" (texto dans l'interview), où on invente une arrestation de journaliste au fond de la mine, pour le scénario, ... on est libre après tout, c'est vrai.
Mais c'est nécessaire de nous amuser pour nous intéresser à un sujet aussi grave ? On en est là ?
Peut-être je me pose tout un tas de questions inutiles.
Mais une chose est sûre, autant je trouve ce format génial pour une visite touristique, un "voyage", avec toute la charge divertissante et plaisante que le mot "voyage" suscite, toutes les possibilités de découvertes et de hasards que le voyage crée, autant je le trouve totalement inapproprié pour un sujet tel que les mineurs chinois. Je trouve que traiter un sujet d'actualité en employant ce médium, brouille encore plus les pistes entre la fiction et le réel, ce qui était pourtant, si j'ai bien compris, le contraire de ce que voulaient les auteurs.
Photos et textes. Moi ça me suffit. Documentaire vidéo. Documentaire radio.
Et si je change d'avis demain matin à mon réveil après une bonne nuit de sommeil, je vous le dirais.
Et vous, vous en pensez quoi ?
Voyage au bout du charbon, de Samuel Bollendorff, photographe, et Abel Ségrétin, journaliste, produit par Arnaud Dressen.
L'interview des auteurs