Ripoulé ou pornouilles ?
Pendant très longtemps j'ai constaté que j'avais de plus en plus peur de l'avion, à mesure que je le prenais. Ça commençait généralement quelques jours avant le départ, où comme par hasard je tombais sur une dépêche relatant une catastrophe aérienne sur une compagnie improbable, ou un dysfonctionnement dans l'ouverture du train d'atterrissage sur un appareil de la compagnie que j'avais choisie pour mon vol. Des années durant, j'ai fait des cauchemars d'avion pendant la nuit qui précédait mon voyage. Et le jour du départ, comme de bien évidemment, mon estomac partait faire du karting dans ma jambe gauche pendant que mes boyaux jouaient à "Vis ma vie" et que mes mains et mes pieds suaient abondamment. Bref, la fête.
Sauf que depuis quelques temps, depuis une date que je n'arrive pas à dater justement, la tendance s'inverse, et sans aller jusqu'à dire que je suis tellement détendue au moment du décollage que mes peaux tombent, je dois reconnaître que je vis de moins en moins mal ces quelques minutes complètement surréalistes où un engin lourd comme trois baleines et gros comme la colline derrière la maison de mon enfance s'arrache du tarmac et s'envole dans les airs, avec à son bord quelques trois cents personnes et autant de valises dont certaines sont au régime (ou devraient s'y mettre ... les personnes hein, pas les valises, suivez ?), ce qui n'est pas fait pour le rendre plus léger, forcément.
Cet état de fait est complètement inexplicable d'autant que les voyages sont de plus en plus fréquents.
Mais ce soir, en rentrant de Shanghai, un début d'explication a jailli dans mon cerveau pressurisé à 9000 mètres du sol. Elles étaient là. Une de dos et l'autre de face, l'une poussant et l'autre tirant, avec leurs petits chignons bien faits et leur chariot caisson rempli de surprises dont aucune coupe de Champagne ne fait partie, croyez moi.
Elles s'approchaient de moi et c'est là que j'ai compris ce qui a supplanté mon angoisse. Une angoisse plus grande, tout simplement.
- Ripoulé ou pornouilles ?
Non, non non noooooon (gestes de désespoir, yeux implorants, pleurs, bave) ! Pas ça, pitié, pas encore ! Pas le supplice chinois du choix entre le ripoulé et le pornouilles ! Vous m'avez déjà fait le coup à l'aller ! Oui bon ok, la question était sensiblement différente :
- Pornouilles ou ripoulé ?
Elle est donc là mon angoisse. Transférée sur ce moment tant redouté du choix entre la peste et le choléra version plateau de repas aérien. Ce sempiternel menu, identique d'une compagnie chinoise à l'autre, ce jour sans fin que des milliers de passagers subissent dans les cieux chinois sans que personne ne fasse rien, et vous aurez beau tous les essayer, ils sont tous pareils, aucune variante, d'ailleurs les viandes sont souvent interchangeables. Ok, c'est visiblement animal, mais de là à appeler ça du poulet. Du poulé peut-être. Avec du ri.